Le corps humain n’est pas qu’un légo mécanique. Il est interaction et flux énergétique. Il ne peut s’appréhender que globalement
Que se joue-t-il dans les gestes du masseur ayurvédique qui répète plus de 100 fois une grande croix allant du bout des doigts au bout des orteils ? Et pourquoi plus de 5.000 ans d’expérience lui ont-ils enseigné qu’il convient de respecter un sens pour la montée et la descente des membres ?
Quel niveau de pertinence peut avoir pour moi, masseur, la représentation des flux d’énergie (le Qi) qui, selon la médecine chinoise, parcourent le corps humain ? En quoi puis-je me saisir de l’idée que le corps humain est parcouru par des flux d’énergie vitale qui conjuguent l’externe et l’interne, puisque chacun connecté à des organes internes.
La même question se pose au masseur qui approche le corps sous l’angle de la réflexologie.
Que se joue-t-il dans le traitement en acupression d’une zone spécifique du pied ou de la main? Qu’est-ce qui explique cette expérience empirique de la réflexologie ? De quelle nature, et donc de quel niveau, est la relation fonctionnelle qui s’établit entre un point de la voûte plantaire et un organe interne comme le foie lorsque le masseur sollicite l’un en appuyant sur l’autre ?
La théorie, ou symbolique naturopathique, des méridiens, celle du Qi, ou encore celle de la réflexologie, font pour moi écho avec des représentations plus actuelles, telles qu’utilisées par l’ostéopathie. Il y est question de « chaînes myofasciales » qui organisent des relations entre fascias, muscles et organes, à l’échelle de tout le corps. Des chaînes, différentes selon les auteurs, mais qui toutes établissent des liaisons pouvant aller des pieds au crâne.
Apportant un regard sur les interactions entre des parties éloignées du corps, les chaînes myofasciales expliquent également des interactions entre l’intérieur et l’extérieur du corps. Certains auteurs mettent en avant des causes viscérales à des malpositions pariétales, du fait de liaisons fasciales, en l’occurrence le système de fixation de l’organe. Ainsi, en fonction du type de dysfonction de l’organe, la musculature sera programmée de telle sorte qu’elle lui assure le meilleur environnement possible pour sa fonction… au risque de se trouver elle-même en mauvaise posture.
J’en conclus donc que médecines traditionnelles (ayurvédique, chinoise) et connaissances scientifiques du corps humain se rejoignent sur l’idée que la structure myofasciale des tissus dessine des enchaînements qui traversent le corps humain. Ces enchaînement ne sont pas des structures monolithiques organisées dans une logique de cause à effet (j’appuie sur l’interrupteur, la lumière s’allume) mais des enchaînements d’interactions complexes (muscles, tendons, fascias, sang, lymphe, liquide cérébrospinal…) qui doivent s’appréhender dans une logique d’équilibre global.
Le masseur en retiendra à la fois la possibilité d’une grande efficacité de son geste, dans sa capacité à intervenir sur l’agencement et l’harmonie des chaînes myofasciales. Et en même temps, dans un même mouvement, la modestie devant la difficulté à maîtriser l’impact de son geste sur les multiples paramètres d’un environnement aussi complexe.
© Joël Massage Bastia Corse www.joel.mic.fr