Les petites dérives sectaires de la Miviludes

En charge de détecter les dérives sectaires, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) part en guerre contre les pratiques de santé alternatives et professions du bien-être.

Dans son rapport annuel 2016-2017, la Miviludes dresse le paysage de ses travaux de vigilance. Quatre thématiques organisent son activité : santé, mineurs, sécurité, économie-finances, formation professionnelle. De toute évidence, il y a du Science po dans ce texte irréfutable et d’une pondération toute sénatoriale. Le propos est policé, organisé et bien énoncé.

Un secteur de vigilance est mis en exergue pour son importance croissante et sa prégnance sociétale : la santé. La Miviludes, extraits de témoignages à l’appui, dénonce des pratiques de gourous qui adossent leur ascendant sur des personnes fragilisées en les habillant de thérapie alternative, de bien-être et de développement personnel. Jusque-là, tout va bien. Jusque-là…

Le problème c’est que ce texte ne se limite pas à un plaidoyer pour la dénonciation de pratiques sectaires. La Miviludes s’y érige en garant de l’ordre établi et, en filigrane, soutient un procès en sorcellerie contre toutes les pratiques de santé alternative et de bien-être, qui ont le malheur de ne pas être adoubées par la Faculté, l’Ordre des médecins ou l’Inserm. Comme quoi bien penser peut conduire à être bien-pensant.

Je ne saurais nier les dangers que les dérives sectaires font peser sur des personnes fragiles. Je suis le premier à voir mes petites lampes rouges s’allumer lorsque j’entends certains discours ou pratiques. Dans ce rapport cependant, la Miviludes sort très largement de son périmètre de compétence pour porter un jugement de valeur, sans discernement et sans nuance, sur toutes les philosophies et pratiques qu’elle estime mettre en cause un ordre social dont elle a une conception très normée.

On ne manquera pas d’ailleurs, de relever que la Miviludes nous indique que parmi ses plus actifs pourvoyeurs en signalements se trouvent le Conseil de l’ordre des médecins et celui de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Étonnant ?

La statistique des dérives sectaires liées à la santé est donc sous influence des ordres professionnels qui renforcent son propre discours. Dans un souci de meilleure représentativité du panel, j’invite donc tous les acteurs du bien-être à faire des signalements à la Miviludes concernant les pratiques de la secte des médecins. Et en guise d’amuse-bouche, je vous renvoie à l’excellent coup de gueule de Moune Poli sur son blog .

 

Ci-dessous quelques extraits du rapport, dans lesquels la Miviludes ne se contente pas de relever certaines pratiques sectaires mais porte un jugement définitif sur des sujets de société :

Le bio, les médecines douces, l’écologie : des déviances.

 « Ses adeptes (de la kinésiologie) prônent de manière plus ou moins radicale la rupture avec des habitudes de vie jugées néfastes, au profit de choix naturels et authentiques comme l’alimentation biologique, les médecines douces, les thérapies non médicamenteuses ou encore l’écologie. » p.37

 

 Les fédérations de praticiens du bien-être sont la vitrine légale des officines sectaires :

« Ils créent ex nihilo un environnement institutionnel avec des fédérations destinées à faire oublier que ces pratiques ne sont pas reconnues par les autorités sanitaires et qu’ils interviennent en dehors de tout cadre légal. Ils éditent des chartes ou des codes de déontologie, non contraignants dès lors qu’il n’existe pas d’ordre professionnel reconnu par l’État. » P.39.

Les établissements de santé qui introduisent des techniques de bien-être mettent en danger leurs malades :

« Ces techniques font d’ailleurs leur apparition dans quelques établissements de santé avec tous les risques que cela peut représenter pour les patients (déstabilisation, perte de chance de guérison). » p.39.

 Santé et bien-être : il n’est nul salut hors la science

« Le développement du secteur du bien-être touche l’ensemble des pays développés avec toutefois des spécificités culturelles, un contrôle social plus ou moins attentif ou une tolérance variable aux propositions qui s’éloignent largement des pratiques basées sur des connaissances scientifiques. » p.23

« Ces pratiques (Reiki et Kinésiologie) de soins non conventionnelles (PSNC) n’ont pas fait l’objet d’études scientifiques ou cliniques montrant leurs modalités d’action, leurs effets, leur efficacité, ainsi que leur non dangerosité. » p.36

« Il en ressort que « la kinésiologie est une méthode de soin non conventionnelle et que son utilisation constitue une dérive thérapeutique. » De son côté l’Inserm qui a évalué la méthode conclut que « ni la kinésiologie appliquée professionnelle, ni la kinésiologie énergétique n’ont fait à ce jour la preuve de leur efficacité ». » p.37

 Vaccination : en discuter le bienfondé constitue un terrible recul.

 « Au-delà du risque sectaire, il y a bien un enjeu de santé publique. Le souci d’adopter un mode de vie plus sain peut avoir des effets positifs et dans le même temps la défiance et le dénigrement de la science médicale peut conduire à de terribles reculs comme le montre la question de la vaccination. » p.23

 Le jeûne : une pratique dangereuse et destinée à manipuler les esprits

« Les stages « jeûnes et randonnées » par exemple peuvent s’avérer dangereux pour des personnes porteuses de pathologies ou de fragilités et faute d’un encadrement médical. Risqués pour certains sur le plan médical, ces stages peuvent aussi aggraver des troubles du comportement alimentaire et surtout mettre les participants dans un état de faiblesse propice à une mise sous emprise. » p.22

 L’idée de l’énergie vitale est en soi l’indicateur d’un délire sectaire

« Pour les promoteurs du reiki, il serait possible après une formation accélérée de transmettre ou de recevoir le pouvoir de canalisation d’une « énergie vitale universelle ». « Chacun peut devenir son propre guérisseur. » » p.36

© Joël Massage Bastia Corse www.joel.mic.fr