La controverse sur la propriété du terme « massage » torture toujours quelques esprits chagrins. Je suggère de faire appel à Darwin pour l’arbitrer. En toute amitié bien entendu.
Il m’est advenu récemment une aventure d’une autre époque : un masseur-kinésithérapeute m’a contacté afin de me faire la leçon sur mon illégitimité à utiliser le terme « massage ». Puis d’enchaîner sur l’ombre et la concurrence déloyale que lui fait mon activité. Et enfin, d’insister sur la grandeur de son savoir au regard de mon ignorance de misérable vermisseau de masseur bien-être.
Je dois avouer que, sur ce coup, je n’ai pas fait dans l’amorti bienveillant. Par un retour lifté dont mes humeurs ont le secret, j’ai invité le fâcheux à aller gérer ses éructations échevelées en d’autres lieux que sur ma ligne téléphonique. La conversation a tourné court.
Pour autant, mon âme sensible est demeurée frustrée de n’avoir su nourrir l’intelligence reptilienne de ce kinédosaure en lui assénant quelques arguments salvateurs. Abandonner un hominidé à sa misère intellectuelle n’est pas mon genre. Il me faut réparer… je prends donc ma plume.
Un peu d’histoire, pour bien comprendre.
Déjà, au fond de sa grotte, homo sapiens ne se contentait pas de se blottir contre ses congénères pour se tenir chaud, de leurs faire des câlins pour se reproduire, ou de les épouiller. Il leurs prodiguait de la bienveillance et du bien-être par le toucher. Cent mille ans plus tard, ces pratiques empiriques furent théorisées en divers lieux de la planète et donnèrent naissance à différentes écoles de massages, généralement associées à des visions naturopathiques du corps humain. Ces traditions se caractérisent par leur approche holistique et préventive, ainsi que par l’utilisation de la main comme outil exclusif (parfois aussi : coudes, avant-bras, pieds…).
La kinésithérapie, quant à elle, peut être considérée comme un rameau récent de l’arbre du massage. Ce rameau est associé à l’émergence de la médecine occidentale. La kinésithérapie se caractérise par une approche ciblée et réparatrice. Il arrive que les kinésithérapeutes pratiquent des gestes empruntés au massage. Mais ces gestes sont limités dans leur durée par la règle d’or dite de « prise en charge par la sécu ». Ils se caractérisent également par leur propension à être outillés ou mécanisés : la main est alors remplacée par divers instruments, plus ou moins sophistiqués, et ne requérant pas nécessairement la présence du kiné. Ce qui offre l’avantage d’appliquer simultanément à plusieurs personnes la dite règle d’or [de « prise en charge par la sécu »]. En fait de rameau, nous avons affaire à un gourmand.
Ce petit tableau permet de résumer ce qui distingue l’une et l’autre branche de l’évolution :
Observer tant de différences et de divergences nous impose d’inverser la lecture du procès que les « masseurs kinésithérapeutes » font aux « masseurs » : de toute évidence les usurpateurs du terme « massage » sont les premiers et non les seconds. C’est donc à tort que j’ai envoyé promener mon interlocuteur téléphonique. J’aurais dû simplement lui répondre : « Cher monsieur, vous faites erreur… le masseur ce n’est pas vous, c’est moi ». Quel manque d’à-propos de ma part !
Demain : les massothérapeutes
Mais puisque nous en sommes là et que, malheureusement, mon lumineux interlocuteur n’a pas daigné décliner son identité, j’aimerais lui écrire ici ma conclusion. Et pour cela, convoquer Charles Darwin en dessinant ce qui m’apparaît être l’inéluctable évolution des espèces dans les temps qui viennent :
Pour plus de précisions sur l’historique de la controverse : voir mon article « pourquoi dit-on massage bien-être ? ».
© Joël Massage Bastia Corse www.joel.mic.fr
Cet article de mon blog n’engage en aucun cas la Fédération française de massage. Et ne convoque en rien mes fonctions de vice-président de la FFMBE.